Il y a quelques mois, je revenais sur l’importance qu’a eu Adele et son excellent second album 21 en vous gratifiant de ma première chronique rédigée sur Bloc-Notes (merci Windows). Aujourd’hui, je réitère en vous parlant cette fois de Dirty Work d’All Time Low, le mal-aimé de la discographie du groupe.
À l’époque, je ne me rends pas compte de la répulsion ambiante envers cet album. Pour moi, la formation est en pleine progression suite à Nothing Personal (2009, Hopeless Records). En effet, c’est cet album qui marque un tournant dans leur carrière. Bourré de hits comme Therapy, Weightless, Lost In Stereo… qui sont autant de titres qui transcendent les foules, il permet à ATL de souder leur statut de groupe pop punk à succès.
Dirty Work sort en 2011 sur Interscope, filiale d’Universal Music Group montée en 1990 par Ted Field et Jimmy Iovine. Ainsi, la bande de Baltimore signe pour la première fois sur une major. Grâce à une nouvelle équipe et de plus importants moyens à leur disposition, All Time Low avait la possibilité de délivrer un album qui aurait pu être un ‘game changer’ du pop punk. Et s’il l’avait été ?…
Alors quel est l’ingrédient qui a manqué à la recette de leur tour de force ? Pour quelle raison la malédiction du quatrième album s’est-elle abattue sur All Time Low ? Pourquoi certains amateurs de musique reviennent sur leurs premières critiques et encensent le disque dix ans après ?
Contexte
Dès le début des années 2010, de nombreuses formations émergent, largement influencées par de plus anciennes. The Story So Far, Neck Deep, Modern Baseball, Balance And Composure… Je ne les listerai pas tous, mais tous ces groupes ont débuté leur carrière à cette période, à un ou deux ans près. Leurs idoles sont aussi nombreuses que variées : Green Day, Blink-182, New Found Glory, Sum 41…
Mais All Time Low a dépassé l’étape de son lancement et a même sorti l’un des albums les plus réussis du genre en 2009. Nothing Personal a mis tout le monde d’accord et sa place dans les charts et les certifications reçues ne font qu’appuyer mon propos. Publié chez Hopeless Records, maison de Sum 41, The Wonder Years, Neck Deep, Bayside…, il confirme la place de la bande dans cette nouvelle vague pop punk.
Mais le groupe en veut plus et souhaite explorer une nouvelle direction artistique. Entre 2009 et 2010, All Time Low sont très occupés et partagent leur temps entre tournées et side projects. Ils figurent d’ailleurs avec Painting Flowers sur Almost Alice, une compilation qui rassemble plein d’artistes autour de la promo du film Alice In Wonderland (2010, Tim Burton).
On savait que le quatuor planchait sur de nouvelles chansons mais lorsque des leaks apparaissent sur la toile, j’imagine que la frustration est difficile à vivre. Ils ne se démontent pas pour autant et offrent à leurs fans la tracklist finale qui composera Dirty Work.
Malheureusement, l’équipe chargée de prévoir la sortie du disque ne cesse de repousser la date. L’une des raisons étant que toute l’attention du label est focalisée sur une certaine Lady Gaga qui prépare le cycle de Born This Way. Et vous savez comme moi comment le système fonctionne : les plus gros poissons sont privilégiés.
To sell out or not sell out ?
Lorsque le disque sort enfin en ce début juin 2011, je ne décèle pas tout de suite cette émanation hostile envers ce changement. À ce moment-là, je suis plus que ravie : j’adore l’album et j’ai hâte d’entendre le groupe le jouer au concert du Ninkasi Kao, qui se déroule quelques jours plus tard.
Mais ce qui m’énerve chez les fans de musique, c’est cette manière de qualifier de vendus les artistes qui ne leur plaisent plus. Aucun ne peut explorer quel style que ce soit sans que les frustrés ouvrent grand leur bouche. C’est ce qu’il s’est passé avec All Time Low après la sortie de Dirty Work.
Certes, son accueil a été mitigé et les critiques des médias spécialisés n’ont pas été tendres. De plus, beaucoup de fans ont été déçus par la direction empruntée par le groupe. Je pense que leurs déconvenues reposent sur plusieurs décisions prises par l’entourage de la bande. Après les reports de date de sortie, je parlerais du choix du premier single : I Feel Like Dancin’.
Les critiques les plus acerbes comparent le groupe aux Jonas Brothers en dénigrant le côté pop et la niaiserie des paroles. Mais si l’on connaît bien All Time Low, on sait que l’humour parfois douteux et le second degré font partie de leur identité. Je pense que la sauce n’a simplement pas pris sur ce titre. La mélodie est cool, entraînante, mais ça ne suffit pas pour en faire un single, encore moins pour lancer un album.
Des titres bien plus intéressants que celui-ci auraient pu convenir à sa promotion. Je pense que le public attendait un morceau plus pop punk de la même trempe qu’un Do You Want Me (Dead?) par exemple.
« Do you want me ? Or do you want me dead ? »
Le choix de I Feel Like Dancin’ a probablement été porté par la baisse considérable de la hype suite aux nombreux reports de la date de sortie. La culture de l’immédiateté commençait juste à s’installer… Est-ce que l’accueil réservé au disque aurait été le même s’il était paru en 2010 comme prévu initialement ?
Dans l’objectif de faire grandir le groupe, All Time Low a quitté Hopeless pour signer sur Interscope. Grâce à cela, ils ont pu s’entourer d’équipes qui géraient tout à leur place dont une équipe technique responsable de la production et du mixage. Ainsi, ils ont collaboré avec des producteurs avec qui ils n’auraient jamais pensé travailler un jour. John Fields, Butch Walker, Matt Squire, David Kahne, U4L… Tous ont travaillé avec les plus grands noms de la musique : Switchfoot, Midtown, Underoath, Sublime, New Order, et j’en passe.
Ce que l’on ne s’imagine pas en tant que fan, c’est ce changement soudain pour chaque membre. Passer du label indépendant qui vous laisse carte blanche à une major qui prend toutes les décisions importantes à votre place. Psychologiquement, faire face à cela ne doit pas être évident. Aussi, il faut prendre en compte les attentes du label concernant les prévisions de vente de l’album, soit une pression en plus sur les épaules. Il était attendu que Dirty Work s’écoule à au moins 50 000 exemplaires dès la première semaine. Il en vendra « seulement » 43 000.
Après quelques années de carrière, on ne peut pas reprocher à All Time Low son goût du risque. Dirty Work aurait aussi bien pu ne jamais voir le jour tant il a été entouré de négativité, de sa création à sa sortie. Mais le groupe s’est fait confiance et a fait face aux critiques. Et rien que pour ça, parmi d’autres choses, respect.
« We knew that we were destined to explode »
Si je devais parler de Dirty Work, je le classerais parmi les albums d’All Time Low que j’aime le plus, si ce n’est mon préféré. Il fait partie de mes meilleurs souvenirs de lycée, et si vous me connaissez, vous savez que ça n’est pas rien. Du moment de sa découverte à celui du concert dans un Kao bondé et brûlant, je me souviens de chaque moment.
J’ai lu beaucoup de chroniques à son sujet et j’avoue avoir été déçue de voir que des titres comme Guts, Under A Paper Moon et No Idea n’ont pas rencontré le succès dans le coeur des gens. J’avoue qu’elles font partie de mes favorites donc mon avis est forcément biaisé.
Ce que j’aime dans cet album, c’est cette sensation d’écouter un groupe capable de faire se développer puis scinder son style musical en deux ambiances. L’une, purement pop punk menée par des titres comme Forget About It, Time-Bomb, Bad Enough For You, Get Down On Your Knees… et l’autre, plus aérienne grâce à des ballades qui valorisent le changement opéré comme Guts, No Idea, Return The Favor.
Sur la première atmosphère, les riffs sont percutants comme en témoignent des titres comme Forget About It ou Under A Paper Moon. Le mix de la batterie qui mène Just The Way I’m Not et les percussions de Get Down On Your Knees… sont autant d’éléments qui témoignent du genre pop punk.
La seconde atmosphère présente des envolées que je n’imaginais pas entendre chez All Time Low, mais qui leur réussit car bien placées. C’est pour cela que Guts et No Idea sont des titres chers à mon coeur. La surprise fut agréable à la première écoute et le reste, même dix ans après.
« Once in a lifetime, never the right time »
Peut-être est-ce cela qui n’a pas convaincu les fans et la presse, au fond ? Le fait d’avoir affaire à un groupe en plein développement de son identité musicale et qui, à cause d’une suite de mauvais timing et de mauvaises décisions, ne délivre pas un album des plus cohérents. Mais dont l’authenticité reste inchangée malgré tout, grâce aux titres emblématiques et à la leçon tirée par les membres.
Pour ma part, j’ai toujours associé All Time Low au chaos, dans le bon sens du terme. Parfois, je les vois encore comme quatre lycéens qui se sont rassemblés puis dont le groupe a ouvert la brèche pour aujourd’hui être cité parmi les plus influents de la nouvelle vague pop punk. Et le plus formidable dans tout ça, c’est qu’ils continuent à approfondir ce genre musical, notamment en lui prenant ses meilleurs éléments et en les combinant avec leur empreinte pour donner l’un des meilleurs albums de ce début des années 2020 : Wake Up Sunshine.
Actuellement, le sujet tourne beaucoup autour du pop punk revival et de cette vague de nostalgie qui submerge la scène. Entre les nombreuses collaborations de Travis Barker, le changement de style musical opéré chez Machine Gun Kelly et MOD SUN, et la nouvelle sensation Olivia Rodrigo, le pop punk est à l’honneur ! Grâce au phénomène Tik Tok, All Time Low est en plein coeur de cette « resurrection » suite à la résurgence de Dear Maria, Count Me In sur la plateforme.
Néanmoins, j’aimerais voir l’avenir proche pour savoir si le retour du pop punk dans les tendances ne sera que temporaire ou s’il s’installera comme style musical à proprement parler.
Actualités du groupe
Cette année, All Time Low a dévoilé un nouveau titre intitulé Once In A Lifetime dont il existe aussi une version acoustique. Il y a quelques jours, la bande a lancé sa marque de rosé, Summer Daze (donnez !).