Teasing
Depuis quelques années, chaque annonce de Bring Me The Horizon est considérée comme un événement. De Londres à Chicago, le teasing autour de leur retour s’est illustré par cette phrase sur un poster : « do you wanna start a cult with me ? ». Il s’accompagnait du logo du groupe, d’un site et d’un numéro de téléphone. Les fans affirment même que la voix au bout de la ligne changeait tous les jours. Ces indices les ont rendu fous, jusqu’à ce 21 août 2018…
Le premier single, MANTRA, est dévoilé. Avec lui découlent des milliers d’avis divergents et relativement tranchés. BMTH le joue en live pour la première fois deux jours plus tard au Reading & Leeds Festival. Le clip sort dans la foulée : Oliver Sykes y est dépeint comme un gourou dont les paroles sont absorbées par ses disciples. Des images vintage de publicités et de jeux vidéos se répètent sans cesse pour insister sur l’idée de propagande. Après l’avoir revu récemment, j’ai établi un rapprochement avec Bandersnatch, l’épisode interactif de Black Mirror. Les couleurs m’ont fait repenser à ce passage pendant lequel les protagonistes sont drogués.
Background musical
Ceci n’est pas une inception de reviews, mais je me souviens avoir été très décontenancée par That’s The Spirit. Je l’ai tout d’abord détesté, laissé tomber, puis repris, réécouté, pour finalement l’apprécier. On reconnaît un bon groupe à cette capacité à se renouveler, à proposer de nouvelles choses, à prendre des risques. BMTH a su combiner prise de risques avec suite logique à leur carrière.
Je parle de « suite logique » car l’electronic ambient fait partie de leur background musical depuis quelques années déjà. Cette volonté d’inclure ce style remonte à longtemps avant TTS.
Pour l’anecdote, en 2011, ils avaient pour projet de sortir un EP de remixes electro de quelques titres de There is a Hell, Believe me I’ve Seen it, There is a Heaven, Let’s Keep it a Secret. Leur relation avec leur label de l’époque n’étant alors pas au beau fixe, l’affaire est tombée à l’eau.
Sempiternal (RCA Records / Epitaph Records), le quatrième album studio de BMTH, sort en 2013. À leur palette musicale déjà bien large viennent s’ajouter la pop et l’électronique. Un grand nombre de musiciens (violons, violoncelles) et de choeurs additionnels complète ce disque qui ravit le public et les plus grands médias musicaux.
On lui connaît les incontournables Shadow Moses et Can You Feel My Heart, pour ne citer que ceux-ci.
Contexte
BMTH a donné un concert au mythique Royal Albert Hall de Londres en 2016, puis entamé une longue tournée jusqu’en novembre. Après avoir regardé quelques vidéos du live, il est clair que la direction amorcée par le quintet était toute définie. Je parlais de suite logique plus haut, je réitère ici.
On parle beaucoup du fait que la voix d’Oli Sykes ne lui permet plus de screamer comme avant, mais trop peu de la maturité musicale atteinte à cette période. Si on m’avait dit il y a dix ans que BMTH jouerait accompagné d’un orchestre, je ne l’aurais sans doute pas cru.
Ils font partie des groupes jeunes qui grandissent et évoluent si vite que la musique s’en trouve inévitablement changée. Certains y voient une transformation radicale, d’autres un bouleversement plus modéré. Dans tous les cas, le spectre musical a été retourné, a fluctué avec plus ou moins de variations que sur le précédent opus. C’est intéressant de les voir s’amuser avec autant de styles musicaux, d’instruments et leur créativité.
Les visuels font également peau neuve : les looks et les coupes de cheveux ont certes changé, mais ce sont les choix graphiques qui me frappent le plus. Les titres de la tracklist apparaissent en minuscules (sauf MANTRA). Effet de mode ? Volonté pour BMTH de se démarquer encore un peu plus de ses collègues ?
Lorsque j’ai découvert MANTRA, j’ai d’abord été déçue du manque de punch. Certes, ce choix était le bon pour un premier single. Il l’est certainement aussi pour une ouverture de set. Un mois plus tard, on peut écouter un deuxième extrait, wonderful life, en featuring avec Dani Filth. La collaboration est improbable et le son n’est toujours pas ce que je pense rechercher.
Mais qu’est-ce que je recherchais chez BMTH, à ce moment-là ?
Découverte
Quand j’ai réalisé le sens de cette question, j’ai décidé de ne plus écouter les extraits avec attention. J’allais attendre l’oeuvre complète pour me faire une idée plus claire, avec du recul. Parce que je pense que c’est ce dont manquent les gens en les critiquant. Comme on dit en UK, « look at the bigger picture ». Mais BMTH a grandi et mûri et se permet, même après 15 ans de carrière, de surprendre encore.
Il faut voir amo comme un bol de soupe dans lequel tout le monde y aurait ajouté son grain de sel. Loin de moi l’idée de lancer un débat soupe / sel (faible débat), mais vous captez l’image.
Il est inutile d’attendre de leur part ce retour aux sources dont tout le monde parle. BMTH a le culot et l’envie assumés de surfer sur les tendances musicales et de mixer tout ça pour continuer à s’exprimer. À ce point de leur carrière, je pense qu’ils peuvent se faire plaisir et s’atteler à la conquête d’un nouveau public. Il serait hypocrite de notre part de leur jeter la pierre.
Je découvre donc amo le 25 janvier avec une pointe d’impatience et beaucoup de curiosité. À la fin de ma première écoute, j’ai la tête pleine de choses à dire. En fait, l’album est intéressant pour ça : beaucoup de genres et d’axes différents esquissés à travers ces 13 morceaux et qui sont encore à explorer.
Kellin Quinn (Sleeping With Sirens) a d’ailleurs un jour déclaré : « The problem today is we don’t give artists the chance to be artists, to take risks. We expect them to keep painting the same painting… until it’s just paint by numbers. »
Chronique
Si toutes les chansons ne font pas d’étincelles, on doit reconnaître un certain talent dans l’écriture. C’est une qualité que ne possèdent pas, ou plus, les contemporains de BMTH. Mise à part ouch, à laquelle je n’accroche pas et que je considère presque comme une interlude, le reste n’est pas mauvais. Je cherche encore un sens à sugar honey ice & tea, cependant…
À leur style alternative / electronic rock s’ajoutent des notes d’electro pleinement assumées et déployées sur plusieurs titres. Ainsi, why you gotta kick me when i’m down et fresh bruises font partie des plus originales. Voire inaccessibles. La construction de la première est vraiment spéciale, d’ailleurs! J’ai cru à un beug de mon logiciel qui ne m’annonçait pas le changement de chanson…
Pour l’anecdote, celle-ci est dédiée aux haters de Sykes qui le provoquaient lors de ses mauvaises périodes.
Au contraire, medicine et mother tongue comportent des sonorités comparables à celles de Coldplay. Le refrain reste dans la tête, et après plusieurs écoutes, je dois avouer que j’ai un coup de coeur pour mother tongue. À en lire certains avis ça et là sur Internet, c’est celle que les gens ont le moins aimé.
nihilist blues, en featuring avec Grimes (projet pop de la canadienne Claire Boucher), est sortie quasiment en même temps. Avec son ambiance electro dark, elle apporte beaucoup de relief et détonne complètement, juste après MANTRA.
La plus surprenante est heavy metal, en featuring avec Rahzel. Je ne sais pas si BMTH a voulu taquiner son public en leur faisant croire à un retour au deathcore / metalcore à travers son titre. Sans doute la plus sensationnelle de par cette collaboration avec l’artiste hip hop, on y entend une mélodie dubstep au moment du pont, accompagnant du beatbox, avant de conclure sur un scream d’Oli Sykes.
Conclusion
Le chanteur a prévenu les fans quelques jours avant la sortie de ce sixième effort. Il faudrait lui accorder quelques écoutes avant d’en comprendre tous les rouages. Il explique que c’est l’album des expérimentations, et c’est vrai : on pouvait encore entendre des réminiscences du metalcore sur That’s The Spirit. Avec amo, les amateurs du genre se retrouveront un peu perdus. Les chansons sont plus complexes qu’avant, et ont beaucoup à offrir. Si l’atmosphère musicale est plus pop, le sens des paroles est, lui, plus dark.
En plus de la participation d’artistes d’horizons musicaux différents, le groupe a remis le couvert sur les instruments à cordes, notamment les violons. La conclusion de l’album est sublime et rappelle quelques passages de Sempiternal et cet orchestre de Londres…
Si ce n’est pas évident après l’avoir écouté, amo parle d’amour. Sykes s’est d’ailleurs inspiré de son divorce pour écrire les paroles de quelques chansons. En fait, même si les métaphores sont plus ou moins poussées, tout nous ramène à l’amour, ses sensations et les sentiments qui se développent autour.
Le reproche que je peux faire à BMTH est d’avoir dévoilé autant d’extraits pour promouvoir amo. Je pense qu’ils n’avaient pas besoin d’en sortir autant. C’est très risqué et c’est comme spoiler une série : c’est dommage et rageant. Mais ça ne l’est pas plus que ces idiots du village qui se croient au-dessus du peuple en rejetant toute forme de discussion, de critique constructive sur l’album.
Mes coups de coeur : i don’t know what to say, mother tongue, MANTRA, sugar honey ice & tea, heavy metal feat. Rahzel, why you gotta kick me when I’m down.
Quelques chiffres
> Entre 2006 et 2015, le groupe reçoit 6 Kerrang! Awards : Best British Newcomer, Best Album, Best Video, Best British Band (2 fois), et Best Live Band.
> En 2014, BMTH est également récompensé de 3 récompenses par Alternative Press : Best Album, Best International Band, et Best Music Video.
> Avec plus de 70 000 disques vendus en Australie, That’s The Spirit est certifié disque de platine. BMTH reçoit un disque d’or pour Sempiternal avec près de 35 000 copies vendues (ARIA Charts).
> On estime le nombre d’albums vendus de That’s The Spirit à plus d’un million.
> 12 500 fans se sont rassemblés à la Wembley Arena de Londres en décembre 2014.