Elle a sorti son sixième album, Head Above Water, vendredi dernier. Après plusieurs années d’absence, Avril Lavigne revient plus forte que jamais, armée de douze hymnes à la renaissance et au dépassement de soi.
Je pourrais simplement écrire une chronique, mais cette artiste représente tellement pour moi qu’un article plus long me semble plus approprié.
Voici donc un « Focus » dédié à Avril Lavigne, chanteuse aux multiples talents qui m’a faite grandir et avec qui j’ai évolué. Dédicace à tous ceux qui ont chanté hurlé Sk8er Boi en soirée, qui ont porté des cravates ou des bracelets à clous pendant leur adolescence, et qui ont fui la pop du début des années 2000 pour saigner Let Go.
« If you had your way, you’d just shut me up »
Avril Lavigne débarque à New York à 16 ans dans le but d’écrire son premier album. Son caractère bien trempé et sa détermination sont la clé de ce qui fait sa réputation.
Montrant une forte volonté à garder le contrôle sur son image et sa musique, elle rejette ce que sa première équipe essaye de lui faire jouer. Effectivement, la jeune canadienne a une idée bien précise de ce qu’elle veut, et a même écrit la plupart des textes qui figureront sur son premier disque.
Dans Sk8er Boi, elle chante « he wasn’t good enough for her », mais c’est plutôt eux qui n’étaient pas assez bien pour elle…
Arrivée à Los Angeles, elle rencontre Cliff Magness (producteur) et LA Reid (CEO d’Arista Records à l’époque) qui lui font signer un contrat chez Arista. Elle publie son premier album, Let Go, début juin 2002. Complicated fait figure de premier single de la jeune star du rock. On considère que cette chanson est son deuxième meilleur succès. Elle collabore avec The Matrix (Lauren Christy, Scott Spock et Graham Edwards), qui ont d’ailleurs renouvelé l’expérience sur Head Above Water.
Pour rappel : en 2002, Avril a 18 ans à peine et se retrouve propulsée sur la scène internationale, déjà pas bien tendre. Moi, j’ai 9 ans et je découvre juste Complicated et Sk8er Boi diffusés sur Europe 2 (les vrais savent). Ma soeur avait acheté le single avec I Don’t Give en « face B ». Je me souviens l’avoir écouté si souvent que je pense avoir abimé le CD.
Avec le recul, je me dis qu’il était temps qu’une artiste propose quelque chose de nouveau. Avril symbolisait cette rébellion avec sa musique à contre-courant de cette pop redondante. Elle était si jeune, pourtant si sûre d’elle et au potentiel énorme.
L’album
Le deuxième album d’Avril Lavigne, Under My Skin, est également celui de la maturité. Les textes et les mélodies sont d’autant plus aboutis et personnels qu’elle y relate des expériences vécues. Elle pleure la perte de son grand-père, alors qu’elle est en tournée, à travers Slipped Away. Elle parle également d’une ancienne connaissance datant de ses années collège/lycée dans Nobody’s Home.
« So much for my happy ending »
Durant la période Under My Skin, j’ai 11 ans, et j’entre en 6ème. J’ai lu quelque part qu’on se retrouve à la croisée des chemins : soit c’est cool, soit c’est horrible. De mon côté, on dira que c’était plutôt l’enfer. Je passe rapidement sur ce 25 mai 2005 où j’ai détesté la terre entière car ce fut le seul et unique concert d’Avril Lavigne à Lyon jusqu’ici.
My Happy Ending était, et est toujours, ma chanson préférée. J’avais même trouvé un t-shirt avec l’artwork du single imprimé dessus. Je me souviens avoir écumé les chaînes TV musicales pour voir et revoir ce clip, mais aussi de mon moi de 12 ans, cette gamine qui a trouvé tant de réconfort dans l’album tout entier.
En fait, sa musique prend une toute autre ampleur avec ce disque, alors qu’elle n’est qu’aux aurores de sa carrière… À seulement 19 ans, sans s’être vraiment posée, elle sort ce qui est, selon moi, son meilleur album à ce jour. Elle prend des risques en dévoilant des côtés plus sombres de sa personnalité et attire un nouveau public. Je pense que peu de gens s’attendaient à ce qu’elle se dévoile autant et si tôt. À ce moment-là, il était déjà difficile de se faire une place et de perdurer dans le paysage musical. Avril a remporté le challenge haut la main, et a fait taire ceux qui ne la prenaient pas au sérieux.
« Hey! Hey! You! You! I don’t like your girlfriend ! »
On est au tout début de l’année 2007, et des rumeurs autour du nouveau single d’Avril émergent sur Internet. Des paroles plus light indiquent une nouvelle direction que semble prendre la jeune femme. Fin février, nous découvrons enfin Girlfriend qui divise ses fans. Effectivement, c’est tout nouveau et contraste avec cet univers qu’on lui connaît jusqu’alors. Le morceau récolte nombre d’éloges, mais il met du temps à séduire mon entourage.
« Forget about everything and runaway »
The Best Damn Thing sort en avril et confirme ce changement de direction entamé. Entre hymnes pop et entraînants comme Girlfriend et Contagious, on retrouve des titres touchants tels que When You’re Gone et Innocence. Mon seul regret lié à cet album est le potentiel de certaines chansons qui n’ont pas, ou trop peu, été exploitées en live. One Of Those Girls, Runaway, I Can do Better sont des pépites et je regrette tellement qu’aucune d’elles n’ait été éditée en single !
Malgré sa soudaine tendance pop, j’ai adoré l’écouter et le réécouter encore. On sent qu’Avril s’est amusée pendant les sessions d’enregistrement et qu’elle y a apporté toute sa créativité débordante. En témoigne le making of, disponible sur une édition spéciale. Pour l’anecdote, on peut l’entende souffler dans une bouteille de bière à la fin de Girlfriend. Elle s’entoure de son mari de l’époque, Deryck Whibley, de Travis Barker et Dr. Luke (no comment).
Entre la sortie du disque et la promotion, l’évolution physique d’Avril est flagrante. On parlait de maturité pour l’aspect musical d’Under My Skin, mais elle-même change et grandit avec TBDT. Elle élargit son champ de carrière avec le cinéma en apparaissant dans Fast Food Nation et The Flock, et devient également mannequin en participant à la campagne Chanel de 2006.
Même si « l’après-The Best Damn Thing » marque une petite pause dans le parcours musical de l’artiste, elle n’en reste pas moins inactive pour autant. Elle crée une ligne de vêtements, des parfums et monte sa propre fondation consacrée aux jeunes en situation de handicap.
« I’m not coming back, I can’t pretend, remember when »
En 2010, Avril Lavigne est de retour avec la chanson Alice, le générique du nouveau film de Tim Burton, Alice au Pays des Merveilles. Elle figure sur la BO Almost Alice aux côtés de Pete Wentz, Mark Hoppus, All Time Low, Shinedown, etc.
Quant à son quatrième album, RCA Records met du temps à autoriser la sortie de celui-ci. Avril déclare même : « J’ai enfin fini mon quatrième album ! En fait, il l’est depuis un an… mais ce n’est que maintenant que ma maison de disques se décide à le sortir. […] Je n’ai pas eu le choix. […] Pour la première fois, j’ai eu affaire à un tas de conneries de bureaucrates ! Les gens travaillent mieux lorsqu’ils font ce qu’ils ont envie, ce qu’ils aiment et lorsqu’ils sont en accord avec eux-mêmes, pas quand on les force à être quelqu’un d’autre ».
On ne peut s’empêcher de se rappeler cette ligne directrice qui a toujours été la sienne. Avril ne se fera pas dicter quoi que ce soit par quiconque. Elle explique avoir de nouveau fait appel à des amis pour la conception de cet album, et s’est essayée à la production. Ainsi, Deryck Whibley, Evan Taubenfeld et Butch Walker s’associent avec Max Martin pour l’accompagner.
L’album
What The Hell, le premier single de Goodbye Lullaby, sort début janvier 2011. L’album est publié deux mois plus tard. Sa formule est la même : l’artiste y raconte des expériences relativement personnelles et envoie des messages aux gens qu’elle aime. Musicalement, elle explore encore de nouveaux horizons, et c’est ce qui en fait mon deuxième album préféré.
Push et Stop Standing There sont des chansons caractéristiques de cette nouvelle expédition musicale. L’album est sublimé par Goodbye, sa dernière piste, qui clôt un chapitre et en ouvre un nouveau dans la vie de la chanteuse. Même si j’ai un gros coup de coeur pour le clip superbement réalisé, ma préférence va à Everybody Hurts et Remember When. Smile, qui fait partie des singles extraits, me fait ressentir un élan d’énergie positive à chaque fois que je l’écoute. Je ne saurais dire si c’est parce que j’ai des images du clip dans la tête, ou juste pour le message positif véhiculé.
Même si cet album est considéré comme le moins vendu d’Avril Lavigne, il détient quand même un record au Japon. Lors de sa première semaine, il est écoulé à plus de 135 000 exemplaires sans promotion, dû au séisme survenu sur la Côte Pacifique (Oricon Charts).
Goodbye Lullaby aura toujours une place spéciale dans mon coeur car c’est mon père qui me l’offre pour mon 18ème anniversaire. Je crois que je me souviendrai toujours de ce moment précis.
« So go on, live your life »
Trois mois après la sortie de Goodbye Lullaby, Avril annonce avoir quasiment terminé l’écriture des chansons qui composeront son prochain album. Pour celui-ci, elle travaille avec Alex DaKid (Rihanna, Eminem) et The Runners (Lil’ Wayne, Usher). Ayant quitté RCA fin 2011, elle signe avec Epic Records et LA Reid retourne aux commandes. Elle affirme que ce disque sera plus rock et créatif grâce à des collaborations avec Chad Kroeger (son mari à cette période) et Marilyn Manson, mais également un titre hommage à la culture asiatique qu’elle admire.
De toute la discographie d’Avril Lavigne, c’est l’album auquel j’ai le moins accroché, même s’il comporte évidemment des chansons que j’adore : Hush, Hush, Give You What You Like, Let Me Go et Falling Fast. Au-delà de ce style pop rock dont sa musique est désormais empreinte, Avril a exploré un côté plus indie / alternative. Au contraire, j’ai pas du tout aimé Hello Kitty, et je crois que c’est sa seule chanson que je ne peux vraiment pas écouter. Le seul côté positif que je peux lui trouver, en restant objective, c’est ce relief qu’elle apporte à l’ensemble avec Bad Girl, sa collaboration avec Marilyn Manson. Selon moi, Hello Kitty n’a pas sa place sur l’album. À la limite, en single indépendant, comme elle le fera avec Fly en 2015.
Je me souviens avoir été tellement déçue en découvrant le clip de HK que celui de Give You What You Like m’a agréablement surprise. C’est une belle atmosphère, reposante et apaisante, qu’Avril nous offre. Enfin ! Avec Let Me Go, qui est superbe aussi, elle permet de rattraper le coup.
« I’ve gotta keep the calm before the storm »
Après avoir fêté ses 30 ans, en 2014, Avril annonce être atteinte de la maladie de Lyme. Lorsqu’elle rend l’information publique, la maladie la touche déjà depuis plusieurs mois. Des fans lui font parvenir des messages de soutien en Ontario, où elle a de nouveau emménagé. Surveillée de près et soignée, elle décide de sensibiliser le monde à cette maladie mortelle grâce à sa fondation.
Dans une interview qui retrace la création de Head Above Water, elle explique qu’une nuit, alors qu’elle avait accepté la mort, les paroles du titre éponyme sont naturellement venues à elle. « C’est comme si elles m’avaient inondé. Je ne suis pas croyante, mais je répétais sans cesse ‘God please help me keep my head above water’ ».
Les premières images de Head Above Water sont révélées le 1er septembre 2018. Le single sort quelques jours plus tard, puis son clip. Je sais qu’à ce moment précis où elle se met à chanter que j’ai retrouvé « ma » chanteuse. Sa voix est plus forte que jamais, ses paroles sont plus sensées que tout ce que j’ai pu entendre. Le clip a des couleurs et des plans magnifiques que je vous invite à découvrir ou redécouvrir :
Quelques semaines plus tard, elle envoie Tell Me It’s Over en guise de second single. Branché plus pop voire R&B, tout comme Crush, ce n’est pourtant pas le titre qui contraste le plus avec le reste. Ces deux-là restent légers et correspondent à l’épanouissement d’Avril. Elle développe une autre facette avec le très acidulé Dumb Blonde, en collaboration avec Nicki Minaj, dont on a beaucoup entendu parler récemment. J’adore cette chanson, pas forcément pour son originalité, mais pour ce qu’elle transmet.
Doit-on classer Head Above Water dans un style musical particulier ?
Les deux artistes donnent un coup de pied dans la fourmilière, comme font beaucoup ceux à qui on colle des étiquettes. Les hypocrites qui critiquent ce duo ne l’ont pas ouvert aussi grande pour sucer Oli Sykes et sa bande après la sortie d’amo. De la même manière, on les a beaucoup moins entendus lorsque Jay-Z et Linkin Park ont sorti leur maxi en 2004.
Cette ironie méprisante me laisse perplexe. Pourquoi, selon les grands génies de la musique, deux artistes ayant évolué dans des styles différents ne pourraient-elles pas collaborer ensemble ? Ils réclament de la diversité musicale pour diverses raisons, parfois valables, mais sont incapables de reconnaître une certaine audace lorsqu’elle se présente. Avril Lavigne et Nicki Minaj, je n’y aurais jamais cru il y a dix ans, mais aujourd’hui, ça me paraît intéressant.
À l’exact opposé de Dumb Blonde, on trouve des morceaux à la profondeur et à l’intensité jamais égalées dans toute la discographie d’Avril : I Fell in Love With the Devil, It Was In Me, Warrior… J’aime tellement ces chansons ! Les paroles prennent tout leur sens lorsqu’elle les chante. Ce qu’il y a de flagrant, et ce dès les premières notes de Head Above Water, c’est sa voix devenue forte, son vécu jeté dans le micro jusqu’à nos oreilles.
Avec ce disque, elle pose les bases d’un nouveau chapitre, probablement le plus intéressant. Est-ce qu’il est utile de dire que les fans l’attendaient avec impatience ? Non, les chiffres parlent parfois plus que des mots. Il atteint la première place sur iTunes Mondial, dans plusieurs pays européens, en Asie, aux USA et au Canada.
Maintenant, il ne me reste qu’à attendre l’annonce de sa tournée en espérant une date à laquelle je pourrais me rendre…
Quelques chiffres
Let Go
> L’album s’écoule à plus de 20 millions d’exemplaires et décroche 41 certifications Platine.
> Il se classe deuxième parmi les meilleures ventes d’albums en 2002.
> Très peu d’artistes peuvent se vanter d’avoir trois singles #1 extraits de leur premier album. Trois, en fait : Lady Gaga, Ace Of Base et… Avril Lavigne !
Under My Skin
> 3 144 000 d’exemplaires vendus aux États-Unis
> + de 10 millions d’exemplaires à travers le monde
> 21 certifications Platine
The Best Damn Thing
> 7,5 millions d’exemplaires vendus dans le monde
Goodbye Lullaby
> + de 89 000 albums écoulés la première semaine aux USA
> 25 semaines au Billboard 200 avec 2 ré-entrées
Avril Lavigne
> Le single Here’s to Never Growing Up s’est écoulé à 1.3 million de copies aux USA.
> Au moins 830 000 albums ont été vendus sur la base des certifications reçues au Brésil, au Canada, à Taïwan, au Japon et aux USA.
> Il a été no. 1 des charts à Taïwan et en Chine.