La semaine dernière, on célébrait les 20 ans de l’excellent Does This Look Infected? de Sum 41. Après la fin d’une tournée mondiale que je suis bien dégoûtée d’avoir manqué, le groupe est sur le point d’annoncer son nouvel album. Effectivement, Heaven And Hell devrait sortir courant 2023 et ainsi succéder à Order In Decline. Structuré comme un double album, Heaven And Hell comporterait donc une partie strictement inspirée du Metal, et une autre consacrée aux racines pop punk du groupe.
Mais faisons un petit tour dans le temps, au printemps-été 2006. Grâce à l’ouverture des portes du rock par Green Day, cet élan me pousse dans le bain MTV. Et quelle époque, mes amis ! C’est sur cette chaîne que je découvre Sum 41 grâce au clip Still Waiting. C’est une gifle intense, comme un souffle qui me force à ouvrir les yeux. Tant sur ce qui se déroule à l’instant T, mais plus largement sur la critique de la politique menée par les chefs d’Etats du monde. Premier single extrait de Does This Look Infected?, Still Waiting s’ajoute à la longue liste des critiques de la politique américaine et de la guerre en Irak menées par George W. Bush.
Entre la sortie de All Killer No Filler et Does This Look Infected? s’est écoulé un an et quelques mois. Entre temps a lieu l’attentat du 11 septembre 2001 qui porte encore à ce jour ses répercussions planétaires. Les artistes s’engagent à leur niveau contre les actions menées par le Président alors en place. Pour Sum 41, c’est avec Still Waiting, et plus largement des paroles plus sombres. Cela signe pour beaucoup la fin de l’insouciance musicale.
Dans l’ensemble, la presse musicale spécialisée est unanime. Le succès n’est pas le même que pour All Killer No Filler. Il y a un pas franchi entre l’ambiance ‘happy go lucky’ de ce dernier et l’agressivité ressentie sur Does This Look Infected? Mais ce n’est pas pour déplaire aux fans qui grandissent avec leur groupe et trouvent là une échappatoire. D’une durée de 30 minutes environ, on ressort de l’écoute de l’album marqué, comme lessivé. Marqué par le changement de direction de la formation canadienne, mais aussi par les refrains de titres plus radiophoniques. Lessivé par cette sensation d’étouffement que nous donnent les paroles et les thèmes abordés, bien plus sombres et réels.
La haine, la guerre, le suicide, les drogues, l’insomnie, l’amertume, le virus du SIDA, l’état du monde de l’époque… Cela donne une idée relativement claire du message que véhicule Sum 41. Par exemple, The Hell Song est devenu l’un de leurs incontournables tubes. Pourtant, il relate l’histoire d’une amie proche du groupe ayant contracté le virus du SIDA car son ex copain la trompait. Selon Deryck Whibley (chanteur et guitariste), c’est l’une des anecdotes les plus sombres qui l’ait touché, au point d’en écrire une chanson en une demi-heure.
Sur cette vague de titres entraînants aux sens pessimistes, je pourrais parler de l’excellent Mr. Amsterdam. Placé sur la seconde moitié de l’album, il parle d’un homme aigri, en guerre contre le monde. Littéralement. En expliquant le sens de cette chanson, Whibley a pris pour exemple les technologies mises en place à l’époque qui ont rendu les hommes sédentaires, à tel point que plus personne ne sort de chez soi et dépend de ces nouveaux moyens pour vivre. On relève sur ce morceau une référence à We’re All To Blame dans les paroles : « Some might say we’re all to blame ».
Quelques fans de Sum 41 disent ne pas dépasser la première partie de Does This Look Infected? En le réécoutant aujourd’hui, je ne comprends toujours pas pourquoi. L’enchaînement des titres de No Brains à Hooch me donne encore des frissons. No Brains fait partie de mes préférées. Elle marque la fin de la première partie de l’album et démarre en fondu après A.N.I.C. Quelques lignes vocales ressemblent à la rythmique de Still Waiting. Cette chanson aurait largement pu se retrouver dans le jeu Crazy Taxi (ayez la référence SVP). Exprimant l’amertume et du ressentiment envers le premier chanteur du groupe Jon Marshall, Whibley déclare qu’elle constitue un ‘fuck you’ comme il se doit.
Désormais sobre et père de famille, ce dernier décharge sa colère dans sa musique. A l’aube de la sortie du huitième album de son groupe, il a récemment dévoilé que le côté metal est inspiré de rancune accumulée contre certaines personnes l’ayant blessé. Preuve s’il en fallait une que Sum 41 a encore des choses à dire… Thanks For Nothing est excellente aussi, par son refrain à la touche Sum 41 on ne peut plus détectable et aidée d’une influence hip hop grâce à la partie rap assurée par Steve Jocz.
Nous voilà donc lessivés, mais marqués. En deux albums, le quatuor de l’époque a affiné ses sonorités. Si All Killer No Filler a épinglé le groupe sur la carte du punk rock, Does This Look Infected? les a aidé à saisir le statut de pilier du genre. En témoigne la réception live des titres joués encore aujourd’hui. J’ai pu expérimenter Sum 41 en concert 3 fois et je n’ai été déçue que la première fois, en 2010. Deryck était au plus mal malgré l’annonce pleine de promesses de Screaming Bloody Murder, qui sortait quelques mois après. Quelques années plus tard, retour au Transbordeur pour la tournée 13 Voices. Ce soir-là, j’ai eu la chance d’échanger quelques mots avec le groupe, et de déclarer mon sentiment de fierté à Deryck Whibley. Il est un survivant pour qui j’ai énormément d’admiration, une idole de jeunesse, si je puis dire, que je respecterai toujours.
Je dis toujours que Green Day m’ont ouvert les portes du rock, aussi vague que cela puisse être. Sum 41, eux, m’ont enveloppé dans l’univers punk rock, et plus largement dans ce sentiment de nostalgie que je ressens encore parfois.