Le 18 janvier dernier, Fall Out Boy dévoilait Love From The Other Side, un nouveau single surprenant par ses nombreuses guitares et forcément empreint de nostalgie. Après avoir instillé quelques indices annonçant leur retour dans plusieurs grandes villes des Etats-Unis et via leur newsletter, le quatuor de Chicago marque avec ce titre son deuxième comeback. Accompagné d’un clip aux multiples références, Love From The Other Side en comprend également dans les paroles. La semaine suivante, soit mercredi dernier, FOB poste Heartbreak Feels So Good. Ces deux extraits précèdent la sortie imminente de So (Much) For Stardust (Fueled By Ramen / DCD2), leur neuvième album. Prévu pour le 24 mars, sera-t-il symbole d’un retour aux sources pour le groupe ?
Dès les premières notes, Love From The Other Side me donne des frissons. Au-delà de ce retour tant attendu, j’ai l’impression de redécouvrir les premiers albums de Fall Out Boy. Je me souviens encore de ces sensations de surprise et de plénitude après l’annonce de leur premier retour en 2013. Même si j’ai pris dix ans, c’est ce même sentiment de bonheur qui revient, teinté cette fois de renouveau. Et c’est ce que les musiciens mettent en exergue depuis le début de la campagne de ce titre et son clip : un nouveau commencement.
La première ligne du refrain « From the other side of the apocalypse » veut littéralement dire « de l’autre côté de l’apocalypse ». On pourrait attribuer l’apocalypse à l’ère MANIA (2018) et son accueil mitigé par les fans et la critique, d’où le lourd silence qui a suivi. So Much (For) Stardust incarne ici cette renaissance, la phase post-apocalyptique et un renouveau dans la carrière et la popularité du groupe, de même que son style musical. Car si les comparaisons avec d’anciens albums depuis la sortie du titre sont légion, Fall Out Boy souhaite avancer.
Les rappels aux travaux de ces vingt dernières années sont nombreux, comme la ligne « This city always hangs a little bit lonely on me, loose » qui fait écho à Golden (Infinity On High, 2017). L’auteur compare l’aspect d’une ville à un sentiment. Quelques secondes après, Patrick chante : « I’d never go, I just want to be invited, oh, got to give up » qui renvoie à Wilson (Expensive Mistakes), extrait de MANIA.
Après plus de vingt ans de carrière, le quatuor souligne le fait qu’il a tout traversé, le meilleur comme le pire. En effet, la ligne « nowhere left for us to go but Heaven » peut rendre compte de sa résilience à affronter toutes les difficultés et à revenir toujours plus fort. Aujourd’hui, après toutes ces épreuves, seule compte leur liberté de jouer ce qu’ils veulent. Juste après, la ligne « Summer falling through our fingers again » renvoie au temps qui nous file entre les doigts, tels des grains de sable. Cette métaphore du sablier est également entendue dans Bishops Knife Trick et Immortals, cette dernière étant également la bande-originale de Big Hero 6 (2014, Disney).
Dans le deuxième pré-refrain, Patrick chante : « We’re taught we gotta get ahead, yeah, no matter what it takes / But there’s no way off the hamster wheel on this rat race ». Les termes « rat race » matérialisent l’industrie musicale et son aspect concurrentiel. Tant d’artistes publient leur musique en même temps qu’il est presque impossible de tout suivre. On met donc l’emphase sur une façon de se démarquer de ses pairs pour être le plus célèbre, et donc le plus riche. Et finalement, il devient impossible de se défaire de ce cycle infini. Ce n’est pas la première fois que FOB traite de ce sujet : This Ain’t A Scene, It’s An Arms Race est un bain de métaphores décrivant la guerre sans merci vouée dans l’industrie. Le terme « scene » renvoie d’ailleurs à la scène emo, qui n’est pas moins un business qu’une compétition pour se hisser au-dessus de ses « adversaires ».
Si Fall Out Boy a parfois pu se montrer fataliste quant à sa place au sein de la scène, et plus généralement de l’industrie musicale, cette chanson et plus précisément le refrain nous éclairent sur leur rejet de cette mentalité. Maintenant qu’ils sont « de l’autre côté de l’apocalypse », il n’est pas question de s’arrêter en si bon chemin ! Peu importe le succès commercial, le groupe statue clairement sur son envie de faire la musique qui lui plaît sans se soucier d’autres facteurs. Les lignes « Inscribed like stone and faded by the rain / ‘Give up what you love / Give up what you love before it does you in…’ » font mention d’une pierre gravée et me rappellent le titre Bang The Doldrums (Infinity On High). De même, je ne peux pas terminer cette petite analyse sans parler de la référence à Roméo & Juliette de Shakespeare avec la ligne « Every lover’s got a little dagger in their hand ».
Le clip qui accompagne la chanson comporte, comme on pouvait s’y attendre, quelques références intéressantes et réminiscentes de la scène emo. Quoiqu’un peu écorchés mais suffisamment évidents à trouver, on retrouve les noms de Taking Back Sunday, Of Mice & Men, Weezer, Good Charlotte, My Chemical Romance, Modest Mouse, Panic! At The Disco… sur des tranches de vieux livres. Ainsi, peut-on espérer des collaborations ou est-ce une manière pour FOB de rendre hommage à ce mouvement qui les a tant encensé ? Cela pourrait s’expliquer par l’âge avancé de Pete Wentz, grimé en vieil homme racontant l’histoire du groupe qui voyage d’univers en univers avec un arrêt sur l’Emo Island.
En visionnant le clip et en reportant l’histoire de Fall Out Boy depuis leurs débuts, on peut voir les choses comme suit. Winnetkaland représente Chicago, le berceau du groupe. « The big city » pourrait représenter leur célébrité et leur succès mesurés dans les classements au fil des années. Comme énoncé ci-dessus, Fall Out Boy passent par Emo Island. Cette île peut symboliser l’ère de leurs premiers albums, et « The Big City » quant à elle, matérialise l’ère MANIA, pendant laquelle le groupe a sans doute poursuivi un style musical plus vendeur qu’authentique. Dans le clip, Joe, déguisé en raton-laveur, les aide à remporter la victoire sur leur ennemis. Cela a forcément un rapport avec le fait qu’il ait publiquement motivé Fall Out Boy à retourner aux guitares, à une musique plus rock après MANIA.
Enfin, le vieil âge de Pete et les vieux livres posés sur l’étagère poussiéreuse où figurent les noms des groupes portent les marques du temps qui a passé. Cela contraste avec le collier qu’il porte, symbole des racines et de ce que la formation incarne dans l’histoire. Que les musiciens reviennent sauver leur fan est sans doute une manière pour eux de montrer que malgré leur poursuite du succès, ils reviendront toujours à leurs véritables racines et auprès de leur public. Le symbole de ce pendentif représente un smiley et une face plus triste sur un modèle du yin et yang. Je suppose qu’une partie de l’album sera plus optimiste et positive que l’autre. Love From The Other Side a un sens plutôt optimiste quant à la carrière du groupe…
… alors que Heartbreak Feels So Good, sorti mercredi dernier, fait état de larmes, de coeur brisé, de batailles menées. Puisque ce trajet direction les années 2000 n’était pas suffisant, Fall Out Boy a directement enchaîné avec un second titre, et également seconde piste de l’album. Le 20 janvier, le groupe poste sur ses réseaux la photo d’une boîte portant le célèbre smiley yin et yang devant une maison. La légende contient des coordonnées GPS ainsi que la phrase « if you build it, they will come… ». Le fan qui a trouvé la boîte en a alors révélé son contenu : une lettre désignant le nom de la chanson et sa date de sortie, ainsi qu’un coquillage exhibant « 2 of 13 » à l’intérieur. « 2 of 13 » signale la place de la chanson dans la tracklist de l’album, et le coquillage est sans doute semblable à celui envoyé par le groupe à Oli Sykes récemment…
Comme pour Love From The Other Side, on relève quelques références ça et là. La première est dans la ligne « Is there a word for bad miracle ? », écho au dialogue entre OJ et sa soeur Em dans le film Nope de Jordan Peele. En effet, celui-ci lui demande : « What’s a bad miracle ? Do they have a word for that ? »
Dans le clip, l’invité surprise n’est autre que Rivers Cuomo, chanteur et guitariste des Weezer, avec qui Fall Out Boy a partagé l’affiche aux côtés de Green Day sur le Hella Mega Tour. Pendant la séquence de l’appel téléphonique au tout début du clip, Pete Wentz lui tient un discours remotivant (si on veut) en lui attribuant l’écriture du tube Africa (de Toto, je suppose). Petite mention à la sonnerie du téléphone de Rivers, Undone – The Sweater Song, extrait de leur tout premier album sorti en 1994. Ce cameo n’est pas le premier réalisé entre les musiciens car Weezer avait déjà donné un rôle à Pete dans Can’t Knock The Hustle (Weezer – The Black Album, 2019). Un peu plus loin, lors de la scène de bagarre avec les motards, l’un d’eux est habillé comme Negan de The Walking Dead, à peu de détails près.
Pendant presque cinq minutes, Fall Out Boy fait régner le chaos et affiche un côté encore plus décalé : du parkour réalisé par des quasi-quarantenaires aux punchlines, tout est drôle ! Je pense que la scène qui m’a le plus fait rire est celle dans l’ascenseur, tant la coupure est brutale. On peut également entendre une version ascenseur du riff principal du titre.
L’apparition de Joe à la fin est touchante, lui qui a récemment annoncé faire une pause pour se concentrer sur sa santé mentale. J’espère qu’il prendra le temps d’aller mieux avant de rejoindre ses collègues. Je ne peux pas parler de trio, car pour moi Fall Out Boy est et restera un quatuor jusqu’à ce que la sortie d’un membre soit définitive… ce qui n’est pas le cas.
Les rumeurs concernant l’annonce imminente d’une tournée s’amplifient. Cela serait prévu pour mardi, mais aucune information quant à l’échelle ou au nombre de dates. Les seuls concerts qui semblent être teasés, voire confirmés par le clip et le groupe sur leurs réseaux sont prévus samedi prochain à Los Angeles, puis dans les stades de Chicago, New York et Boston, entre autres. Wait and see…
RIYL : My Chemical Romance, Paramore, Cobra Starship, Panic! At The Disco